Sans-papiers : condamnation d'une préfète
LE MONDE | 09.08.07 |
Limoges, un Togolais de 36 ans, en situation irrégulière sous le coup d'une reconduite à la frontière, a été remis en liberté le 1er août. Le juge des libertés et de la détention (JLD) n'a pas prolongé sa rétention et a condamné Evelyne Ratte, en sa qualité de préfet du département, à une amende civile de 1 500 euros pour "recours à la justice manifestement abusif". Une décision rare.
Le 29 juillet, le Togolais était placé en rétention au commissariat de police de Limoges. Le lendemain, il fait une tentative de suicide. Aux urgences, le médecin psychiatre estime que l'état de santé du patient nécessite des soins supplémentaires et ne permet pas de le présenter à la justice. Le centre hospitalier, en travaux, ne dispose pas de chambre carcérale et la préfecture décide alors de passer outre et maintient sa demande de prolongation de la rétention au JLD. Car si la prolongation n'est pas ordonnée dans les 48 heures, la personne est libre. "Le préfet aurait pu se désister de son action puisque l'homme ne pouvait pas comparaître, explique Me Hubert Dasse, l'avocat du Togolais. Mais il a continué et par là même obligé le juge à statuer." La persistance du représentant de l'Etat lui donne tort.
"INACCEPTABLE"
A l'audience, Nadine Marie, JLD, estime que "les services de la préfecture ont maintenu la saisine malgré l'évidence, en totale opposition avec le respect de la personne de l'étranger et de ses droits, et dans l'irrespect le plus total de la juridiction de la détention et de la liberté". D'où le "recours manifestement abusif à la justice", qualifié de "particulièrement inacceptable", et l'amende. Actuellement, l'homme est toujours hospitalisé.
C'est la troisième fois en moins d'un mois que l'administration a été prise en défaut. Les 13 et 16 juillet, c'était pour ne pas avoir laissé un Turc et un Angolais téléphoner gratuitement depuis le local de rétention. Ce dernier avait été équipé d'une cabine à carte. Les deux ressortissants ont été libérés, le juge ayant considéré qu'ils n'avaient pu joindre leur avocate dans un délai raisonnable "faute de matériel approprié". "Dans la mise en oeuvre d'une politique d'immigration, explique l'avocate, Me Nathalie Preguimbeau. Il y a des règles du jeu à respecter, c'est le b.a.-ba du droit de la personne." La préfecture n'a pas souhaité commenter les décisions de justice.